ELLE : Tu sais ?
Non je sais pas je te dis, je te posais la question.
LUI : A l'age *?
ELLE : DIX : c'est bien l'heure. Mais je ne suis plus tres sure.
LUI : Si-si c'est ca, un théatre ou se joue un café, on est bien.
ELLE : Ah oui, un café.
LUI : Ca peut recommencer a tout moment.
Peut-etre aussi en est-ce fini. Comment savoir ?
ELLE : Qui sait ? Oui peut-etre.
(puis, impatiente : ) Je ne sais pas, je ne vois personne. Je distingue des formes, mais de personnes je ne vois pas.
LUI : S'ils sont sortis finis, on est en train de jouer l'entracte. Ou bien fument-ils ?
ELLE : Quoi ? Déja ? Ca ne commence jamais comme ca un café. Tiens d'ailleurs tous ces cafés, ce sont des vrais tu le savais ?
Tiens, non ? Mais je comprends, je me souviens : on n'arrive jamais au début. Voila une actrice ?
LUI : Ou bien est-ce la serveuse ~
ELLE : Oui, c'est elle, qui joue la principale suspecte a cet instant.
LUI : De quoi accuse-t-on l'instant ?
ELLE : De coups de marteaux.
(Retentissement des coups de marteaux, comme la serveuse entre)
Elle se cache derriere le comptoir.
LUI : C'est vrai qu'elle est étonnante. Nous avoir fait entrer au bon moment, quelle synchronisation.
Je pensais qu'elle avait la tete a autre chose, je trouvais qu'elle faisait ca un peu sans trop y penser.
ELLE : Elle n'a la tete a rien, jamais, et surtout pas celle d'une suspecte. En ca, elle est tres bonne.
LUI : C'est vrai qu'elle est tres forte, elle doit avoir d'excellents pourboirs ! Je voudrais savoir ...
ELLE : Je ne crois pas, personne n'est payé ici, et mon café était froid.
LUI : C'est comme ca qu'ils le servent ici. Et tu n'as pas joué le jeu.
ELLE : Crois-tu que l'on puisse ?
LUI : On le doit.
ELLE : Oui, on le doit.
LUI : Il doit y avoir des listes, il faut s'y inscrire, y inscrire quelque chose, peu importe en fait. Comme sur une mascotte, y laisser une griffe.
ELLE : Aucune chance. Rien ne porte a fete, ce n'est pas la ligne éditoriale de la maison.
LUI : Toujours la meme rangaine.
ELLE : Si.
Ils pourraient faire quelques exceptions. Cette fois, sans doute, ca changera.
LUI : Non, c'est toujours la meme histoire.
Ah oui, eh bien j'ai quelques mots tres bien placés tu sais.
Tiens non ? Je veux voir.
Non, pas aujourd'hui. Une autre fois peut-etre.
LUI : Chut, voila qu'on entre ...
ELLE : Quelque chose.
Oui, c'esr excitant ! ~
JULES (se croyant seul :) QUELLE CONFIGURATION BIZARRE CET ENDROIT.
ELLE : Il parle toujours comme ca ?
LUI : Je croyais etre entré devant, sorti derriere
JULES : ET JE DECOUVRE UN COTE QUI DONNE DU VOTRE.
ELLE : Dans d'autres pieces les acteurs nous place dans l'ombre,...
ICI LUI NOUS PARLE !~ C'est interactif !
LUI : Non, ca c'est JULES, le premier de la serveuse.
ELLE : QUELLE ENTREE ! ~
Un corps vient leur servir une entrée. Il annonce : FROIDE.
LUI (comme disant Je n'aime pas les entrées froides :) J'essaie de rattrapper ce corps, mais il a déja disparu.
(la serveuse applaudit en apparaissant , le balcon se leve et crie Mathilde !)
Un homm : Ca va pas recommencer.
Mathilde : Alors je suis hors de cause ?
(Le premier rang applaudit.)
Mathilde : Merci.
Le premier rang : Un café ! ~
Un client furieux (s'en allant sans payer, juste avant de sortir :) On n'a pas retrouvé le corps qui sert.
LUI : BRAVO ! ~ Quel texte ! ~
Le metteur en scene (déguisé en Patron) : S'il vous plait, laissez-nous travailler. C'est bien assez difficile comme ca.
ELLE (chuchottant) : Tu aurais du voir sa tete quand il a retrouvé le corps. C'est dommage ce n'est pas pour cette fois.
LUI (grondant) : On est encore arrivés trop tard ? Combien de fois je vais devoir revenir ?
Le metteur en scene remplacant, le Patron et la serveuse (en choeur) : BRAVO ! ~
(standing ovation)
ELLE : Entracte.
Le patron est mort de rire.
Tout le balcon commande un café.
ACTE III, Scene 1. (COUCHER DE SOLEIL)
Le garagiste du coin : C'est pas fini ce chantier ici. Combien de temps vous allez la rejouer cette maudite piece. J'en dors pas des nuits. Et d'ailleurs qu'est-ce que ca vous rapporte, tout le balcon est parti sans payer.
L'aubergiste : C'est un scandale, ils étaient debout pendant toute la représentation.
Le garagiste du coin : Justement. J'ai entendu dire que trois jours de standing ovation ca valait bien quelq cafés gratuits.
Rideau.
ACTE III, Scene 2.
Le rideau se leve. On hue. Il fait semblant de redescendre, se releve, puis redescend un peu, et finalement tombe sur la premiere rangée de tables ou certains faisaient semblant de dormir.
(standing ovation)
ACTE III, Scene 3.
Le Corps (plutot détendu :) Ils ne m'ont pas retrouvé ?
LUI : Mon entrée !~
(Le Corps se contractant et fait semblant de ne pas avoir entendu)
Le premier rang, déplacé a la deuxieme rangée de tables (mesure de précaution imposée par une autorité locale :) NON.
Le Corps (regardant a gauche, a droite, puis faisant face au projecteur :) Ils ne me retrouveront jamais. Je suis bien trop fort : J'ai démissionné.
(Puis, tenant sa tete, et se tirant les chevaux :) AH-AH-AH ! ~
Uen rumeur dans la salle. On entend : Ah, quel dommage, quel bon acteur c'était.
_Il a déja dit ca la semaine derniere, et il est revenu.
_C'est peut-etre volontaire. Il fait monter sa cote. Peut-etre est-il augmenté a chaque fois ?
_Comment veux-tu ? Personne ne paye l'entrée, meme les cafés personne ne les paye.
Le Patron : BRAVO !
Puis : Comment ca personne ne paye les cafés ?
LUI : MAIS MON ENTREE ! ~
Instantanément, le corps redisparait.
Une rumeur parcourt de nouveau la salle, cette fois ahurie.
Quelqu'un chuchotte.
ELLE : J'entends qu'on chuchotte, le corps qui sert a disparu, l'entrée est froide, ca ne me dit rien qui vaille.
LUI (jubilant :) On n'a pas d'arme, pas de corps qui sert, l'entrée est froide, mais on sait que le corps qui servait a disparu. Ce que c'est excitant. J'espere que tu as mangé avant de venir ?
Le Patron : Oui, c'est tres bien ficelé : rien ne bouge.
Tout le monde leve les mains.
Mathilde rit.
La salle (l'acclamant :) Mathilde ! Mathilde !
LUI : Quelle star. Dommage qu'elle soit coupable.
Le Patron : Foutez-lui la paix, elle a pris sa journée.
Mathilde part en effet, un sac en bandouliere et dit : Je vais voir ma mere, on déjeune ensemble aujourd'hui.
Quelqu'un, table 21 : J'ai commandé un café hier, il n'est toujours pas arrivé, et en plus il est froid.
LUI : PAREIL.
Un homm émerge de la masse, s'en extirpe Tant bien que mal, dit-il. Et ajoute On me prend pour le nouveau serveur.
Puis : Comandez-le vous-memes, moi je vais en cuisine me le faire, mon café.
(Deux personnes le suivent et disent Il y a pas un café qui doit se jouer aujourd'hui dans ce théatre ? C'est qu'on venait pour ...)
Le patron (comme deux ronds de flan appétissant :) Inspecteur ?
L'homm : SOGNOLOPPE ~
Une rumeur traverse la salle. On dit : Il jouait déja dans plusieurs autres pieces, je l'ai vu ce matin, et la semaine derniere, je ne sais plus ou, pourtant ...
L'inspecteur lui tend la main. Le patron la prend, l'inspecte, et la rejette, comme une mauvaise greffe.
Sognoloppé (a la salle, en la découvrant d'un ample geste du bras pendant que tout le monde y fait Aaaah :) Pourquoi croyez-vous ! ~ Qu'on ait fait ! ~ Disparaitre ! ~ Un corps ? ~
ELLE : Il parle toujours comme ca ?
La salle, muette mais découverte : Pour changer le cours de l'histoire ?
_Non ! Pour nous donner une lecon !
Sognoloppé (ses deux hommes bondissent et se retournent) : Qui a dit ca ?
muet de salle # 1 : le muet de salle # 2
muet de salle # 2 : qui est le muet de salle # 2 ?
Sognoloppé : c'est vous !
Les 2 homms applaudissent, et vont aux cuisines. On leur commande partout Un café froid de la maison ! ~
Sognoloppé (comme un prof d'université, allant vers l'homm qui a dit ca :) Pourquoi ! ~ Le corps ! ~ Disparu ! ~ Serait-il un pretext ! ~ Dans cette piece ! ~ A nous donner une lecon ! ~ S'il vous plait ?
L'homm (qui a l'air un peu mazochist :) Je ne sais pas, pour que ca fasse mal sans doute.
Sognoloppé : Et pourquoi cela devrait-il nous faire mal ?
L'homm réunit une troupe. Il l'appelle groupe de réflexion, demande un instant, on entend Accordé. Treize homms en cercle font le dos rond a la salle, qui gronde. On entend Remboursés ! ~ Le murmure dure, et un homm (un autre) prend la parole au nom des douze autres. Il dit C'est moi le chef de bande.
Le patron : Félicitations.
Sognoloppé : Alors ! ~ Pourquoi ?
L'homm : Eh bien, apres longues tergiversations avec mes douze apotres, et grace au passé de chacun qui a pu témoigner de quelque échantillon de réponses aux questions que chacun de nous a pu jusqu'alors se poser avant de trouver une chaise ici, on en est venus a évoquer, sporadiquement, la rencontre du troisieme type, la marche de l'empereur, les pélerins de la Tour St Jacques, une mise en scene un peu foireuse ou l'on a émis l'hypothese que le patron devait etre celui qui gere cette piece-ci ~
_Certains indices ne trompent pas, ajoute un des douze silencieux.
_Et finalement je tranche : C'est parce que... C'est un piece uniq ?
Sognoloppé : Ah ! Oui !... Et pourquoi ! ~ Est-ce ! Selon vous ! ~ Une piece ! ~ Uniq ?
ELLE : Ce qu'il m'agace a parler comme ca LUI ~
LUI : J'ai rien dit.
L'homm (regardant les autres qui rient :) Parce que... C'est un piece politiq ?
Sognoloppé : EXACT !
Il se retourne vers le patron qui est en train d'applaudir. Puis, confus, voyant qu'on le pointe du doigt, va vite vers la machine a café.
Sognoloppé : CHAUD, s'il vous plait.
Rideau. On hue au deuxieme rang.
Le rideau se releve, on se tait, et retombe, sur le deuxieme rang. Cette fois tout le monde se casse.
La rumeur du troisieme rang dit : Cette fois on est en premiere ligne.
Et : Je te l'avais dit : les meilleures places. D'ici on sent bien le coté politiq tu trouves pas ?
_Je suis navrée pour ceux qui sont derriere, ils doivent pas trop comprendre.
Ca gronde au balcon, qui vient de se remplir : D'ici, et jusque la, rien de politiq.
LUI : BRAVO ! ~
Fin de l'ACTE. Tout le monde part fumer.
ACTE IV, Scene 1.
Ange 1 : ED IS DEAD.
Ange 2 : Théatre trois pieces pour piano uniq & violoncelles de plage.
Ange 3 : Ils ont quel age tu crois ?
Ange 2 : Ca n'a pas l'air légal. La derniere fois ils sont restés 6 h en douane pour moins. La ils cousent un truc, ca se voit.
Ange 3 : Je crois que ca n'a pas de manche, qu'est-ce que c'est ?
Ange 1 : Un boléro. Ouah, ca faisait longtemps.
Ange 3 : Oui, elle avait pris sa journée. Depuis l'ACTE IV, elle reste jusqu'a la fin.
Ange 1 : Jusqu'a l'ACTE II, oui, sa fin.
Ange 2 : Oui, sa fin. Tiens, je crois que la elle est morte.
DIEU-LUI-MEME : ALLELUJA ! ~
Sognoloppé (a ses homms :) Arretez-moi ces gamins qui cousent des trucs a ma table.
La patron (fou, ému, aux anges, découvrant sa serveuse étendue :) Qui l'a mise a sécher ?
Les Anges (en choeur:) HOURRAH ! ~ Tres bon !
Sognoloppé (sortant de derriere les fagots :) Je vous l'avais dit !~ C'est ce corps !~ Disparu !~ Il connait la techniq, il connaissait la victime.
Le patron : Pourquoi vous dites Il connaissait. C'est ELLE qui est morte.
ELLE : Non, moi je suis en vie.
Les Anges : MERDE.
ELLE (un peu vexée :) Tu vois, c'est tres select, je te l'avais dit. J'ai envie de partir, viens on part.
Le patron : Non restez, vous deux, c'est une tres bonne scene. Elle voulait etre incinérée.
Sognoloppée : Elle sera déja incarcérée. Douze chef d'accusations pesent sur elle.
Un type avec le grade Chef d'accusation sur l'epaule, accourt et plonge sur Mathilde.
Sognoloppé : MEURTRE.
Un autre type accourt et se jette sur les deux premiers.
Sognoloppé : Préméditation.
Rien ne se passe.
Sognoloppé : Passons la préméditation. Il en reste onze.
La troisieme rangée se leve, dix types plongent sur la masse de corps.
Le corps : HOURRAH ! ~ Quel spectacle !
Dans la salle : Tu vois, il revient tout le temps.
Toute la salle : LA !
Sognoloppé : Quoi ?
LUI : Trop tard.
La salle (en choeur :) C'est désolant.
Quelqu'un qui s'appelle Alphésien-Dubolert-Calle : Ca devient chiant.
Et mon café c'est pour demain ?
Le lendemain (une grosse voix, claire comme un ciel ouvert :) Le café c'est pour qui.
Quelqu'un qui s'appelle Alphésien-Dubolert-Calle (dépité :) C'est pas grave, j'attendrais.
Le patron est mort de rire
La salle : AH NON ! ~
La patron : Un peu de respect. Votre serveuse est encore fumante.
(elle fume en effet)
ACTE IV, Scene 2.
_Piano uniq & violoncelles de plage.
Rideau. Chute du public aux sous-sols. La police entre et perquisitionne.
_La bouffe est bonne j'espere ? Vous saviez que vous etiez otages ?
_Ca a pas l'air de trop les inquieter.
_C'est bon, laissez jouer. La plainte a été retirée.
Les membres rompus du public des sous-sols revient en grondant comme une armée de zombies. Le patron applaudit, et un orchestre vient s'installer sur le comptoir. Le patron ne rit plus.
Un cortege funebre entre, prend un café, et s'apprete a partir sans payer.
Sognoloppé : Personne ne bouge, on s'asseoit, c'est pas fini.
Le garagiste du coin (se frottant les mains :) je vais bientot pouvoir racheter le théatre pour une bouchée de pains.
Sa femme : Qu'est-ce que tu foutrais d'une bouchée de pains ? La tuture, ca t'intéresse plus ? A six ans déja, tu avais l'air tellement heureux d'avoir la miniature d'un véhicule du Paris-Dakar. Tu était tellement mignon, en la faisant rouler, tu lui ouvrais le coffre, et tu disais Allez les gars, on est embourbés, faut sortir les pelles, hop, hop-hop, allez un peu de nerfs, les petits gars, tout ce sable c'est pas vot' pere qui va venir vous en faire une autoroute.
Le patron est mort de rire
Sognoloppé : C'est bon, on peut y aller ?
Le cortege, croyant pouvoir partir, se releve sans payer.
Sognoloppé : Un café.
Le cortege va aux cuisines et ramene des cafés brulants. On hurle au scandale.
Un bout de rideau tombe.
LUI : BRAVO ! Quel acte de bravour !
ELLE : La barbe, j'avais jamais vu ca.
Un membre du cortege en effet, la porte longue jusqu'a l'entrejambes. On specule que c'est un prolongement de son égo. Puis on se tait. On dit que la nouvelle serveuse est une chevre doublée d'une salope, et en effet une chevre aguichante passe dans les rangs pour commander a toutes les tables une café froid. Personne ne la sert, et c'est elle qui a froid. Elle démissionne des que le patron s'est rendu compte de l'escroquerie. On dit qu'elle se faisait de l'argent ici. Les acteurs huent.
On présume maintenant en faire trop. Le membre poilu du cortege est renvoyé sur-le-champs, il dit OUF !~
LUI : Tu l'as dit, c'est toi qui l'a dit, je le dirai.
Sognoloppé (trouvant que ca ne mene nulle part, et le disant :) Qui a dit ca ?
Dans la salle : C'est pas fini, la délation.
ELLE : C'EST LUI !
LUI : QUI ca, "LUI" ?
ELLE : Sognolo-machin-chose, l'inspecteur, le client de la table 21, tu suis ou quoi ?
Sognoloppé (les pointant tous deux du doigt) : C'est qui LUI ?
ELLE : Je sais pas, personne ne le sait. Depuis le début il parle avec moi.
Sognoloppé : Quand le corps était la, lui, était-il ici ?
LUI : Bien sur que j'étais LA, j'ai meme dit IL EST LA !~
ELLE (tres concentrée sur son texte :) C'est bien la preuve. Ces 2 homms, au meme endroit, au meme moment, ca ne peut etre que ca. Comment ai-je pu ne me endre compte de rien ?
Sognoloppé : Vous accablez pas, c'est souvent comme ca.
On dit ELLE joue mal, ce a quoi immédiatement elle s'éxécute.
Lew patron (lui retirant de la main un objet contendant :) Non, attendez. Finissez la piece quand meme.
ELLE (un peu genée, se concentrant encore :) C'est bien LUI. Le corps et LUI, un seul et meme homm !
LUI (effectivement accablé) : Je suis seul, je suis meme, et je suis homm, les preuves m'accablent, je ne sais pas quoi dire. Je ne comprends pas.
Sognoloppé : Eh bien vous avez le droit de garder le silence.
La salle (aux anges :) Quel jeu spectaculaire !~
Les Anges (entre eux, a eux-memes :) OPh oui !~
Le patron est mort de rire
ELLE : BRAVO !
LUI hue. Tandis qu'on essaie de le faire sortir, il tente de se mettre le public dans la poche : Mais ca n'a aucun sens, vous avez tous perdu la boule, ca rime a rien cette piece, vous faites accuser un innocent, je suis victime d'une machination ~
ACTE IV, Scene 3.
ELLE : On n'est pas censés etre la. Normalement tu viens d'etre embarqué par l'inspecteur et ses homms, et on ne doit arrivés qu'a la fin de l'ACTE II.
LUI : Mais c'est une piece d'anticipation, et elle rime a rien cette piece en plus. Un peu d'anachronism s'il ne tue pas, rend plus fort dit-on pas ? Et pis j'en ai un peu marre de toujours manquer tous les ACTES jusqu'au IIIe.
Mathilde (s'étant entre temps étendue sur le comptoir d'ou la police a viré l'orchestre, puis revenant, apres s'etre servi un café : ) C'est légitime.
LUI (incrédule :) Mais ...vous avez fumé ?
Mathilde : Comment vous savez ?
LUI : Je vous ai vue, tout le monde vous voyait. Fumante.
Mathilde : La piece a commencé ?
Le patron : Non, rassurez-vous. On a pris du retard. Vous avez tout le temps de vous préparer. Mais faites vite on n'attend (pas) plus que vous (la fin du cortege funebre).
Mathilde (se mettant nue pour passer une nuisette : ) MAIS..
(les flashs crépitent)
Le patron (fermant :) Suite de la représentation demain, meme heure, meme endroit.
FIN (PLEINE LUNE)
Le ménestrel (en short) : Mon CAFE ! ~
LUI : Je voudrais huer. Mais c'est tellement n'importe quoi, je ne peux pas.
Le patron : Si vous faites ca vous etes viré.
LUI : Eh bien qu'importe, je hue (il hue. Le corps prend sa place.)
ELLE (comme remarquant un anachronism :) Tiens, mais tout prend place a mon esprit. Ca y est j'ai les idees claires. Cette piece tourne ! ~
ACTE IV, Scene 4. (AUBE)
Le patron : Ca tourne. ACTION
Le ménestrel : Facon de parler.
(ELLE a voulu suivre le cortege funebre, et, partie sans payer, se fait voler la place par Une Autre Femme a qui on propose le premier role et qui dit en reponse : Je suis Que-Une-Femme.)
La salle comble malgré l'heure, lui dit Alors de la boucler.
Tout le monde mange des sardines aux tomates. On dit que la nouvelle serveuse est tres bonne. Certains prétendent ne pas en avoir eu. On rit aux éclats, certains narguent meme en en dévorant goulument des pieces de choix.
On entend que c'est bon.
Les laissés pour compte : Ca fait envie.
D'autres : Tu crois qu'ils la mangent vraiment ?
Que-Une-Femme : Ca a l'air vrai. Ca doit couter cher. Tant de plats de sardines, et tous les jours ! A toutes les représentations ! Et je n'ai meme pas payé l'entrée.
Les acteurs-otages huent. Le patron grince des dents.
La serveuse vient les servir aussi.
Un acteur (qui n'a pas sa place ici:) Mais c'est l'entracte ou quoi ?
Toute la salle : CHUT.
Le patron : Mange pendant que c'est chaud.
Quelqu'un qui s'appelle Alphésien-Dubolert-Calle : C'est tellement rare ici.
LUI (arrivant, les mains menot ées :) MERDE, y a pas de place.
ELLE : On reviendra demain.
La salle : BRAVO !
Le rideau se leve. Le jour de meme.
ACTE V, Scene uniq.
On annonce : Scene uniq.
Le patron fait tomber les murs, dehors un parterre de publics regarde la piece s'ouvrir, ou le soleil se lever. On dit qu'il y a plus de 1oo,ooo personnes.
ELLE dit encore MERDE, meme la y a plus de place.
LUI : On n'est censés arriver que demain. Jouons le jeu.
1oo,ooo personnes (en choeur :) faut vous décider.
ELLE : LA ! (ils s'asseoient enfin. On applaudit)
Sognoloppé (du mauvais coté de la scene :) Ils sont ou donc, tous passés ?
Le patron : On a recu un avis. Un inspecteur va venir nous controler.
Sognoloppé : Et le public va jouer le jeu ?
Le patron : C'est le principe de la piece. Il y a deux portes, on les emprunte au début, disant Jouez le jeu, on vous les rendra en sortant. Mais on les rend jamais.Ca porte a confusion cette piece tournante, sur 3 jours. Personne n'a encore jamais élucidé ce mystere, je sais meme pas si quelqu'un s'y éveille.
Sognoloppé : Ingénieux. Du coup tout le monde est otage.
Le patron : exact.
Tout le monde rit aux éclats
Sognoloppé : Il reste des places ?
Une jolie fille : LA.
Le patron : Toutes les tables sont prises. Vous pouvez vous asseoir ...
(le projecteur braque une table, celle ou ELLE & LUI se sont assis. 1oo,ooo personnes les regardent, comme s'ils n'étaient pas la. Coup de tonnerre :)
Le Patron : LA. (Deuxieme coup de tonnerre)
Le Coup de tonnerre (au second :) C'est n'importe quoi.
(Le second lui renvoie la réplique - inaudible.)
LUI : BRAVO ! C'est tres bon.
ELLE : Ils nous font dégager, nigaud.
LUI : HOURRAH !
Tout le monde hue. Un corps, surgissant de nulle part prétend qu'ils ne connaissent pas leur text.
Mathilde (en aparte :) Je crois qu'ils ne savent pas ou ils sont.
1oo,ooo personnes (en aparte :) Ils ne savent meme pas ou ils habitent.
Le patron rit discretement.
On applaudit.
La police s'inquiete. Un sergent a émis l'hypothese que tout le monde était sans doute drogué.
En inspectant les rangs, les officiers trouvent un peu de tout.
Le patron dit que c'est normal. La presse en tres grand nombre, dit que tout le monde est tres en formes, des l'aube.
On dit l'aube se leve. Et tout le monde doit faire de meme pour la laisser sortir pisser. On grogne.
Le patron (pas mécontent :) Je suis pas mécontent. Apres pareille sortie elle reviendra pas de sitot.
LUI : On reviendra demain.
ELLE : Tu trouves pas qu'ils nous ont collé le text le plus naze ? J'ai déja dit trois fois On reviendra demain.
Le patron (confus) : Demain on changera, allez, jouez le jeu.
Le soleil de poindre.
LUI : oui, ACTE II, Scene 7.
ELLE : Comme hier, a demain.
La presse écrite : C'est quoi l'histoire ?
La presse télévisuelle : Quel style c'est ?
ELLE (finissant de quitter le café :) C'est de l'onigirism phébusien, c'est ce qu'on dit.
LUI : Un truc alimentaire qui ne comprend rien
ELLE : Une formule frauduleuse.
LUI : Ni queue ni tete, les prix affichés sont faux. Ce n'est qu'au moment de payer que vous voyez l'arnaque.
La presse écrite (écrivant) : Et ca dure trois jours comme ca ?
Les acteurs (1oo,ooo, désolés, la bouche pleine) : Eh oui. Mais vous arrivez a la fin.
La presse écrite (écrivant) : Pourquoi vous ne faites venir la presse qu'au dernier ACTE ?
Quelqu'un qui s' appelle le service d'hygiene, s'éveille et appelle le service d'hygiene.
LUI : C'est quand meme ennuyeux de toujours manquer tout le début.
Le Patron (a Sognoloppé :) Allez-y, M'sieur .... (?)
Le M'sieur : Merci, M'Sieur ..... (?)
La femme du Patron : Sognoloppé.
Sognoloppé : Comment vous savez ?
Le patron : C'est mon nom, c'est comme ca qu'on nous a toujours appelés. Enfin, moi, elle, ce n'est que depuis... enfin depuis...
LUI : BRAVO
Le patron : Mais cassez-vous, vous.
La salle se vide en applaudissant. Les gens du parterre prennent leur maillot de bain et partent a la plage.
On entend dire partout que ces trois derniers ACTES étaient assez inutils finalement.
Quelqu'un de tres lucide explique a une dame inquiete sans raison que c'est en se voulant volontairement apolitiq, précisément, que la piece prend position, politiquement. La dame dit qu'elle ne comprend pas, et comme tout le monde, elle reviendra jouer deux jours plus tard, la meme inquietude. Et ce,ajoute-t-elle, malgré les conditions déplorables dans lesquelles sont recus les acteurs. Tout le monde acquiesce, et fait mine d'etre tres insatisfait. Puis court a la plage.
Un gros nuage de fumée, et il n'a plus que douze personnes.
On dit que les critiq disent que c'est la qu'ils sont intimistes, mais aussi qu'on ne croit pas avoir tout compris des critiq.
Une fille en piece uniq monte sur scene et demande sa route.
Le patron (riant aux éclats :) BRAVO !~
1oo,ooo personnes applaudissent sans se retourner. La police fait arreter le public pour consommation de drogues illégales, et le patron pour mouiller dans cette affaire. Il dit NON-MAIS-ENFIN-NON ! ~
Le chef de la police : RIDEAU ! ~
Les agents : BRAVO ! ~
La dame inquiete (au patron :) Vous n'etes pas inquiete, ce n'est que du théatre, vous jouez cette scene tous les deux jours ~
1oo,ooo personnes badinent dans l'eau, incrédules a cette déclaration. Le rideau se couche sur l'eau qui disparait de la scene. De meme la lune.
ACTE I, Scene 1.
On applaudit.
On laisse passer cinq minutes, les clients attendent devant l'entrée. Le patron reprend son souffle.
Il ouvre et dit Il est 7h. J'ouvre, aujourd'hui un théatre ou se jouera quotidiennement un café.
Mathilde (entrant :) Il n'y a pas de café aujourd'hui.
Le patron : Comment ca ?
Mathilde : Eh bien voila. J'ai il y a deux jours embauché un corps pour servir le café. Or, il a disparu hier !
Les clients vont s'asseoir. Une rumeur parcourt la piece qui est en train de se refermer comme une machoire de chat.
Et on en profite pour dire que ca commence tres fort.
Le patron : Me prenez pas pour un con, Mathilde.
Les clients : Vous faites des petits déjeuners continentaux, comme on en trouve en Europe Centrale ?
Le patron : Vous etes au bord de la mer, si vous voulez des petits déjeuners continentaux, attendez qu'on commence une tournée internationale. Et puis non d'ailleurs, je crois qu'on jouera toujours au bord de la mer. C'est dans le contrat, merde, commencez pas a foutre le souk.
Un client : La dame inquiete avait raison.
Mathilde : Ca commence fort, un anachronism. Je vous avais dit que les acteurs du début et les acteurs de la fin de la piece, devraient ne pas etre les memes. Ca éviterait tout emmelement.
ELLE (arrivant, au loin :) Je comprends mieux maintenant.
Mathilde : Ils sont la du début a la fin ces deux-la.
Le patron : Je leur ai donné une tres bonne place. Ils disent qu'ils ont marre de ne jouer que des On reviendra demain.
L'empereur, sa femme et le petit prince : ET NOUS ? ~
Mathilde : C'est qui eux ?
Le patron : Ils se sont gourré de scene, t'inquiete, Mathilde.
ELLE (comme il n'y a pas de place :) On reviendra demain.
LUI (visant méchamment le patron en vérifiant son text :) Et voila ca recommence.
Ils disparaissent : On va a la plage ?
Le patron (s'assurant qu'ils sont partis, fierement :) Voila, je les ai encore roulés.
Mathilde : Vous pouvez etre fier de vous, vous embobinez le monde comme personne. Mais moi vous m'aurez pas : j'ai encore jamais été payée ...
La mer gronde.
Le patron : Bon, et depuis quand vous embauchez des corps sans rien me dire ? Vous lui avez proposez combien ?
Mathilde : J'ai dit Vous serez payé comme moi.
Le patron : BRAVO Mathilde, ma fille spirituelle ! ~ J'ai envie de vous payer tout a coup... Mais comprenez, je ne peux plus maintenant. D'ailleurs on roule as sur l'or.
Le garagiste du coin : Encore une ? Mais c'est quand que vous allez donc passer la clef sous la porte Bon Dieu ! ~ (Il repart, visiblement décu. On dit Il nous fait chier, lui, vraiment.)
Le patron : C'est dans la piece mes amis. Regardez autour de vous : il n'y a pas plus de garagiste que de véritables clients a ce bar.
Tout le monde circonspect, regarde alentour, et remarque qu'en effet, ils sont tous employés a la piece.
_C'est étrange, dit-on. Cette piece.
_Le concept reste flou.
_Le flou, c'est ca, le concept.
_Faire des pieds, des mains
Mathilde : Et vice-versa ! ~
Un homm qui porte sa canne autour du cou : BRAVO !~ Je ne vois pas ou tout ca mene, mais maintenant au moins JE SAIS POURQUOI !~
Le patron : BRAVO ! ~ Rideau.
ACTE I, Scene 2.
Le patron : Alors Mathilde, depuis quand prenez-vous des initiatives pareilles ? Embaucher quelqu'un sans m'en informer, c'est une faute. Qui accuse cet instant.
Retentissement de coups de marteaux.
Mathilde : PLUS TARD, les marteaux.
(le juge au marteau est viré)
Le patron : Je suis metteur en scene, et je n'étais pas au courant que c'était vous, qui aviez embauché ce corps.
Mathilde : Il le fallait bien, apres avoir renvoyé le précédent pour etre apparu au mauvais moment, vous aviez completement oublié d'en embaucher un nouveau. Il est pourtant au coeur de la piece. Lorsqu'en pleine nuit je suis arrivée pour jouer la scene ou je suis accusée (suspense, elle regarde le public, blasé, qui sait déja pourquoi), j'ai demandé si quelqu'un ici jouait le corps. Comme personne ne comprenait
Le monde (en choeur :) On ne comprenait pas.
Mathilde : J'ai dit Mais si enfin, celui qui disparait, reapparait, disparait, reapparait.
Le monde : On a cru qu'elle parlait de vous. On a dit Il est sans doute en train de fumer.
Mathilde : Alors j'ai expliqué Bong sand c'est pourtant pas compliqué, vous etes acteurs, ou vous ne faites que boire des cafés ?
Le monde : On a été honnetes, hein. C'est vrai quoi, ici, a part boire des cafés...
Le patron grogne.
Mathilde : Alors j'ai dit : Entre deux cafés, quand je prends ma journée, Pour. Aller. Déjeuner. Chez ma mere...
Le monde : La on a compris : Mais oui bien sur la chevre !
Le patron : Mais non pas la chevre BORDEL ~
Mathilde : LE CORPS ! ~
Le patron est mort de rire
Le monde : Alors on a dit : Ah bah nan désolé. Il y avait pas de CORPS pour nous servir dans la derniere représentation.
Mathilde : Et la j'ai compris : C'est une piece qui tourne. Et donc, ce que nous croyons antérieur, eux, ne le savent que de vécu, et non parce que c'est comme ca dans le script.
Le patron : Vous m'embobinez Mathilde, je suis pas con hein. Vous m'embobinez la.
Le monde : C'est visible.
Mathilde : De quoi m'accuse-t-on ? D'avoir employer l'acteur central de la piece.
Au centre de la piece apparait un corps.
Le monde : Mais non, pas maintenant vous.
Le patron : Si vous avez pu l'embaucher, vous pourrez sans doute le virer alors ?
Mathilde : Mais ....
Le corps : Y en a marre, franchement. Entre deux renvois, j'ai la nausée moi. Tout ca tourne tellement, et moi je me repose jamais. J'ai meme pas un pécule pour nourrir ma famille.
Matilde : Bon, mais vous inquietez pas, je vous rembauche des qu'il part fumer.
Le corps : Promis hein ?
Mathilde : oui, promis.
Le corps : Et je serai payé cette fois hein ?
Mathilde : Autant que moi !
Le patron est mort de rire
L'équipe technique (qui vient de finir de remonter le rideau :) Bon, euh, si vous pouviez prendre soin du matériel pour les prochaines fois, on va pas revenir tous les trois jours quand meme.
Mathilde : Désolé c'est dans le script, et dans votre contrat, vous devez venir jouer le réparrage toutes les ACTE I, Scene 1.
Le patron (a Mathilde :) Non, en fait ca non. On a une assurance pour le dépannage, mais c'est juste parce qu'on encore sous garantie. Encore une semaine apres, faudra changer le script. Et puis c'est vrai, j'en ai un peu marre aussi de ces histoires de Rideau quii tombent, et tout.
Les macons : Et pour le parterre qui s'effondre, vous comptez y repenser un peu ? Parce que bon, refaire un théatre tous les trois jours, c'est nous qui allons passer la clef sous la porte si ca continue.
Le patron (Hilare comme a sa plus heur, visant la tete déconfite de Mathilde :) Ils bluffent Mathilde, eux, ce sont des acteurs. Vous voyez la différence ?
Mathilde (grave, comme entrant en dépression :) Non, plus tres bien. Je crois qu'a mon esprit tout se confond de plus en plus.
Qui suis-je ? Est-ce que je m'appelle vraiment Mathilde ? Je ne sais plus. Je n'ai qu'un jour par semaine pour aller déjeuner avec maman, et je ne sais plus quel est le début, quelle est la fin de cette piece, ce qu'est le café, ce qu'est le théatre. Il y a sujet de these psychologiq sous ce théatre. On ne eut plus se défaire de la réalité, lorsque tout tourne ainsi.Je le disais bien, qu'il fallait des acteurs de début, et des acteurs de fin. A tout jouer en boucle et sans interruption, vous allez tous nous rendre dingues.
Le patron : C'est le but Mathilde.
Mathilde : Ah.
Le monde : Un café Mathilde s'il vous plait.
Mathilde : oui, de suite.
RIDEAU ~
En coulisses :
Le garagiste du coin (approchant comme un corbeau :) Oui bon d'accord je ferai pas l'acquisition du café pour demain, je vois que vous vous débrouillez bien pour embrouiller le monde. Et si personne n'est payé, vos seules dépenses ce sont les petits déjeuners, et les cafés, c'est ca ?
Le patron : Et quelques entrées froides, et quelques repas, oui.
Le garagiste du coin : Mais, quand meme, ca vous ennuie pas un peu, d'etre metteur en scene d'un piece ou il faut que vous embauchiez le public ? Je veux dire, ici, tout le monde fait partie du théatre, pas un spectateur.
Le patron : Ecoutez mon vieux, je suis votre patron, alors vous me causez meilleur hein. Sinon j'embauche un nouveau garagiste. Et d'ailleurs non, je vais devoir revoir le script bientot, et je crois que je vais en profiter pour faire sauter votre role. Ca va nettoyer mon gars, Je vais faire bouger tout ca moi.
Le garagiste du coin : Ah mais attention hein. La je suis conciliant et tout, mais si vous vous faites ca, je vous fais la guerre moi. Je jouais un role la, celui qui veut s'emparer de la boutique pour faire une extension au garage...
Le patron : Mais vous avez meme pas de garage !~
Le garagiste du coin : Oui, eh bien je vais en ouvrir un. Et ce, des que je vous aurai défait de ce beau théatre. Vous etes pas digne d'en etre le propriétaire.
Le patron : C'est vraiment cliché cette histoire de guerre de propriété hein.
Le garagiste du coin : C'est pas mon idée, c'est vous le scénarist, jamais il me serait venue pareille intention...
La femme du garagiste : Je vous assure que c'est vrai.
Le garagiste du coin : Et quitte a etre a mon compte, hors de question qu'on me colle encore cette nana pour femme, hein.
Le patron : C'est d'accord, je reverrai votre role. On dit donc (il note :) Vous n'etes plus acteur.
Le garagiste du coin : Non.
Le patron : Vous faites vraiment la guerre a mon théatre.
Le garagiste du coin (lisant par-dessus son épaule :) C'est ca.
Le patron : Et vous avez une autre femme.
Le garagiste du coin : Pas de femme du tout. Célibataire ca me va bien.
Le patron : Pas possible ca mon vieux.
Le garagiste du coin : Bon, bah va pour marié, mais pas elle hein.
Le patron : Pas de problem, on va vous changer ca
Le garagiste du coin : En tout cas vous etes quelqu'un de bien. On me l'avais dit En entrant dans son jeu, tu verras, la vie est plus la meme. Tout ce qui te paraissait impossible, ca va devenir ton quotidien, la routine c'est l'exceptionnel avec ce metteur en scene. On m'avait pas berné.
Mathilde (en larmes :) On devrait le mettre sur l'affiche. C'est une tres belle réplique.
Le patron : Mieux : ce sera dans la bande annonce.
(A son cadreur :) Ca tournait n'est-ce pas ?
Le cadreur : Oui, oui. Comme toujours.
Mathilde : Tiens, y a un cadreur.
Le cadreur : bah oui. (au public hilare : ) Bravo, merci le role valorisant.
Le patron est mort de rire
Mathilde : Mais c'est de la vraie bobine ?
Le cadreur : Oui, mais ca fait au moins deux semaines que je remets les memes, t je tourne par-dessus les précédentes, a chaque fois.
Le patron : Je l'aime bien. Il est économe, c'est des types comme ca qu'il nous faut. Pas tous ces glandeurs qui boivent vingt-cinq cafés par représentations, et qui se souviennent meme pas qu'il y a vaguement une histoire de corps qui disparait...
Le monde (indifférent :) Nous sommes au courant que c'est votre role qui vous fait dire ca, mais c'est genant cet air. On y croit vraiment.
Le patron (se fachant :) Bon Dieu qu'ils m'agacent.
Mathilde : Calmez-vous.
Le cadreur : Je vous la garde, la prise avec le garagiste ?
Le patron : Ca depend, laquelle est la meilleure ?
Le cadreur : Celle-ci. La fois précédente il a bégueillé un peu sur le Bon vaH pour marié. J'ai pas entendu le H.
Le patron : Bon, mets-la de coté alors, mais y a rien de sur, hein. J'y réfléchis. Si on manque de bande, basta.
Le cadreur : ok.
Le monde : Et la scene du petit-déjeuner, on la remets a ce soir ou ... ?
Mathilde : Ah non, pas a ce soir, on attebd 1oo,ooo personnes.
Le type des approvisionnements ( au public :) Au moins ici on peut prévoir sans risq. J'ai déja bossé dans des cafés de bord de mer, quel bordel ! ~ Un soir 3oo couverts, le lendemain 3o. Impossible de savoir ce que je devais commander.
Le patron : Qui c'est lui ?
Mathilde : Le type des approvisionnements.
Le patron : Bon, et on va faire surgir tout le membre du personnel dans cette scene ?
Mathilde : C'est la scene Coulisses
Le patron (regardant alentour :) Ah ? Oui, bon. Y en a d'autres qui doivent parler ?
Projos ? (Ils font signe que non) Décors ? (non) Souffleurs ?
Un souffleur : Non, plus tard.
Mathilde : Non, plus tard.
Un souffleur : Non, je répondais au patron.
Mathilde : Ah pardon. J'ai cru que... Comme t'es mon souffleur.
Souffleur : C'est pas grave.
Mathilde : C'est pas grave. Ah, merde, encore.
Le patron : Bon, bien, on y va la. La suite.
Le monde : Mathilde, c'était une question rhétoriq.
Mathilde (comprenant en regardant sa montre :) Ah. Ouh, oui, pardon, j'y cours.
ACTE I, Scene 3.
ELLE : C'est nous ?
Le patron : Vous avez vu l'heure ? Zavez donc pas mieux a faire que de roder tout le temps autour du théatre. Allez vous amuser un peu bon sang. On va fera appeler quand ce sera a vous.
LUI : Y sont de mauvais poil aujouhrd'hui ou quoi ?
ELLE : C'est toujours comme ca, ils ont eu une dure nuit tu sais.
LUI : Ouais, c'est vrai.
ELLE : ACTION.
Le patron : C'est ma réplique. V'la qu'ELLE me pique ma réplique. C'est pas vrai que cette actrice, toute naze en plus, et qui connait pas son text, et qui connait pas l'histoire, et qui sait jamais quand ca commencer, quand ca finit, eh bien en plus de foutre le bazar dans les 2o petites minutes seulement ou elle joue, trouve encore moyen de venir me piquer ma réplique, deux jours ! ~ avant son entrée. Non Mathilde, franchement, on n'est pas aidés hein ?
Mathilde : Je le dis depuis le départ.
ELLE : Qu'ils sont déplaisants dans ce café.
LUI : Ouais hein, viens on va en chercher un autre.
Le patron : C'est ca, barrez-vous, allez donc aux Filets Bleus, ah-ah, et si c'est bon parlez-en bien, ils ont pas souvent de la bonne pub ~
ELLE : On y est allés hier matin aux Filets Bleus, et oui, figurez-vous, c'était tres bien.
Le patron : Bah retournez-y, nous emmerdez pas.
ELLE : C'est un Parisien ce cafetier ou quoi ? ~
Les cliens Parisiens tout rougis par le soleil du bord de mer, rient aux éclats. Sauf un.
Sauf un : Et pourquoi je rierais pas, moi ?
Le patron : Parce que vous etes cafetier.
Sauf un : Ah oui.
Il se leve et sort son porte-feuille, paye, et s'en va : Qu'est-ce que vous avez contre les cafetiers parisiens ?
Le patron (se frottant les mains, a Mathilde qui rit :) Il y a meme un pourboire.
Les Parisiens appaludissent.
Le type a la pancarte, la retourne et lit : Appaludir. Il efface, et réécrit Applaudir.
Les Parisiens applaudissent.
Mathilde : On leur fait bien faire ce qu'on veut a ces Parisiens.
Le patron : Chut, Mathilde. C'est a cette heure-ci que je fais mon beurre moi. Y a qu'eux qui payent, alors caresse-les dans le sens du poil tu veux bien.
Mathilde va caresser un type bedonnant, chauve.
Le type bedonnant : Je suis pas bedonnant. Je suis pas Parisien. Et c'est pas ca le sens du poil. Quand j'en avais sur le caillou, ils allaient dans le sens-la.
Elle révise son geste.
Le patron : Il est pas Parisien il t'a dit, Mathilde. Viens plutot servir les cafés froids.
Les Parisiens : On peut en parler justement, de cette histoire de café froid ? A la précédente on en avait parlé.
Le patron : Oui eh bien, faisons-le alors. Si on l'a fait la derniere fois, ca doit etre dans le script. Je sais plus moi. Et qu'est-ce qu'on se dit alors ?
Mathilde : Le scenariste arrive, chef.
Le scenariste : Bonjour Mathilde. Tout va bien aujourd'hui ?
Mathilde : Oui, merci. Et vous ? Un café ?
Le scenariste : Froid, oui, merci. Le patron, ca va ? Pas trop angoissé ?
Mathilde : M'en parlez pas. On attend encore 1oo,ooo personnes ce soir, Vous y etes allé fort, hein. Il en dort plus des nuits vous savez. Il est stressé, a chaque fois c'est la meme chose. A cette heure-ci il est insupportable.
Le scenariste : Et encore, j'ai révisé le text, au début je voulais qu'il apprenne en meme temps qu'un inspecteur des fraudes viendrait.
Mathilde : Quoi ? C'est pas vrai ? Mais nous on a jamais corrigé, on continue de la jouer la scene de l'inpsecteur des fraudes.
Le scénariste (riant :) Vraiment ? Ah bon, bien, peu importe. Je le remettrai alors. Changez rien, ce serait dommage. Si ca marche comme ca..
Mathilde : Cela dit maintenant que vous en parlez, ce serait bien. Non, écoutez changez pas votre text, nous on va la supprimer cette scene, ca m'arrange.
Le scénariste : Comme vous voulez Mathilde.
Mathilde : C'est moi votre préférée dans cette piece n'est-ce pas ? Ca se voit, hein, je veux pas dire, mais franchement ca voit...
Elle rougit. Il boit son café et part sans payer.
Le patron (au cadreur :) Supprime la sequence ou Sauf Un paie en partant. Plutot non, garde-la moi dans un coin, je vais la montrer au garagiste du coin, ca devrait le dissuader de me faire couler la barraque. Tout ce qu'il faut, c'est que ce passage soit pas avec les autres.
Le cadreur : Mais il nous faut un monteur.
Le patron : Tu peux pas nous improviser un raccord maison. Vite-fait, hop.
Le cadreur : Si, mais c'est pas mon métier. Ca risq d'etre moyen, genre un truc artisanal, fondu au blanc.
Les Parisiens : Va pour le fondu au blanc.
Le patron : Quoi ? Pourquoi vous avez dit ca ?
Le scénariste (revenant, comme annoncant J'oubliais :) Ah au fait, y a une erreur, un moment, j'ai vu ca hier en relisant. Les Parisiens, qui disent Va pour le fondu au blanc. C'est la répliq du patron, vous avez corrigé de vous-memes bien sur.
Le patron (Désolé :) Salut, tiens, vous etes déja parti ? Oui, moi je trouve bien que ca cloche. Y a qu'eux qui n'ont pas vu que ca collait pas.
Les Parisiens : Carressez-nous plutot dans le sens du poil.
Le patron : Mathilde.
Mathilde s'exécute.
Le scénarist (lui retirant des pieds un objet contendant :) C'était facon de parler, Mathilde.
Mathilde : Ouf. (elle va carresser un homm qui a des cheveux. Il dit Oui c'est bon.)
Le scénariste : Mathilde vous a dit : on laisse tomber l'inspection des fraudes. Je vois bien que vous etes tendu.
Le patron : Elle m'a rien dit. Maudite Mathilde.
Le scénarist : Ah non, hein. Pas de ca. Mathilde, c'est Mathilde.
Le patron : C'est la chanson de BREL, connaissez pas ? Maudite Mathilde, puisque te v'la
Le scénarist : Non. Bon en tout cas, vous inquietez plus pour ca, ca saute.
L'inspecteur des fraudes saute alors qu'il était en train d'arriver. On entend des hurlements : "Une bombe humaine !"
Le scénarist : oups.
Le patron : Ah merci. Ca me soulage. Voila une bonne nouvelle, je vais passer une meilleure journée moi.
Le scénarist : Mais toujours 1oo,ooo personnes ce soir hein.
Le patron : Tiens, puisqu'on en parle : pourrait pas y avoir quelques Parisiens dans le lot ?
Le scénarist : Mais y en a pourquoi ?
Le patron : Qui payent je veux dire. C'est bien 1oo,ooo personnes a diner. Mais si personne paye comprenez bien...
Le scénarist : Je peux pas faire de pareilles incohérences. Si 95,ooo personnes payent pas, c'est pas les 5,ooo seuls Parisiens qui vont payer. Ou alors faudrait diviser la scene, pour qu'ils se voient pas. Mais bon, parquer les Parisiens entre eux, c'est de tres mauvais gout ...
Le patron (suppliant :) Si vous pouviez juste y réfléchir.... ?
Le scénarist (visiblement pret a gratter quelques papiers supplémentaires :) Je vais voir ce que je peux faire pour te diacriter quelques E au passage ~ Depuis le temps que j'en parle.
Il 'en va, laissant derriere lui choir quelques mots bien placés, tel DIEU-LUI-MEME annoncant Une Femme.
Le patron (Seul, croyant voir une femme :) Oh je suis de bonne humeur moi aujourd'hui.
(au cadreur :) Laisse tomber t'as rien a couper, on aura pas d'inspection aujourd'hui, ni plus jamais d'ailleurs, il vient d'exploser.
Une personne paniquée : Puis-je passer un coup de fil de chez vous ? Un homm vient d'exploser sur la plage. Il faut appeler la police, une ambulance, et un fabricant de puzzle.
Le patron : Oui, je veux bien, allez-y tenez, mais vous me prenez un peu au dépourvu. Y avait pas ca avant. Ca change tout.
(A Mathilde :) Il est tres fort quand meme, il met a jour le scénario si vite, il m'impressionne ce type. Il vient juste de partir, et il m'annonce ca, en meme temps Boum, l'inspecteur explose, et les conséquences vienennt frapper pour passer un coup de téléphone. Je savais meme pas qu'on en avait un d'ailleurs.
Mathilde : On n'en avait pas. Il vient de l'ajouter.
Le patron : Quel bordel. On sera jamais au point si tout change tout le temps. Comment faire répéter mes acteurs si a chaque fois je dois leur apprendre les modifications.
Mathilde : C'est le jeu. Quand il vous a embauché en patron et metteur en scene, vous le saviez, hein.
Le patron : Oui, mais je m'y ferai jamais. C'est pourtant vrai que c'est le jeu. C'est meme la base.