et s'est fait bien de blancs cheveux sous ces lueurs bleutes en attendant de front l'apparition de ce miroir qui jamais ne lui viendrait que par vagues, et encore : plutot d'incandescents flashs d'inconscients subversifs et sans veritable consistance, jamais constante.
Et s'est fait bien des idees, et encore vagues, sur le teint que devait revetir l'inconscient subversif d'un serviteur qu'en attendant l'incandescente naissance d'un materiau assez descent pour accueillir des incantations devant ce miroir qui jamais ne lui viendrait en apparition que de facon terne, oblique-presque-couchee, de front devant le cheveu teint de blanc d'un bleu miroitement celeste allonge face a ce tout submersible d'once de ronces et de mures etherees.
Et s'est fait bien des murs pour sortir sans se faire pendre et echapper a l'antinomique et molle anatomie des miroirs admirables qui lui voulaient prendre l'ame en formant cet attroupement inaffrontable de guerriers en Chariots d'Or.
Est-ce Apollon ? Non. C'est son charriot aile, et c'est Albert Samain qui en lui, en sa main econduite, detruit les restes un tant soit peu maintenus solides ou rigides, des portieres et des sieges qui le rendaient jadis si prestigieux. Leves haut comme d'une main, la coupe fraiche et nette, pure du matin, devant les yeux ravis a Apollon, des derniers Dieux dont il etait tenu de garder secrete la beaute et tenu de ne pas degrader l'embleme figure comme un souvenir de naufrage ou comme un autel a s'abaisser a louer, les restes tombes en putrefaction de sa perissable marchandise, elle-meme tombee dans l'oubli ou dans le langage populaire comme dans un berceau sans poil pour couverture, ces restes se consumment dans cet air ambiant, dans cet air degardant, et se savent prets a la chute.
Leves hauts dans ses deux mains comme d'une main il leverait la coupe fraiche indemne du matin pour prononcer comme d'usage l'illustration muette de ses mets nets et juteux : la benediction d'un patrimoine bati sur la punition et sur la reprimande, les restes du chariots sont souleves par poignees, comme poussieres ou cendres, et s'envolent lentement, se dissipent en cet air, y disparaissent confondus, engloutis, dissemines et eparpilles, comme ils n'eurent jamais ete, comme le chariot n'eut jamais existe ~ et encore, qu'en reve.
Albert Samain, qu'est-ce qui vous a pris. Qu'est-ce qui vous prend si bien l'esprit qui doive nous faire subir que l'on s'inflige nous-meme en vous lisant le devoir accompli, pareilles deceptions ! et pareille desillusion ! C'est tellement beau que l'on croit que le monde n'a pour tete qu'une vulgaire chaussette trempee dans du formole a cote de ces textes.
Alain SAMAIN, A Marceline Desbordes Valmore
L'amour, dont l'autre nom sur terre est la douleur,
De ton sein fit jaillir une source écumante,
Et ta voix était triste et ton âme charmante,
Et de toi la pitié divine eût fait sa soeur.
Ivresse ou désespoir, enthousiasme ou langueur,
Tu jetais tes cris d'or à travers la tourmente ;
Et les vers qui brûlaient sur ta bouche d'amante
Formaient leur rythme aux seuls battements de ton coeur.
Aujourd'hui, la justice, à notre voix émue,
Vient, la palme à la main, vers ta noble statue,
Pour proclamer ta gloire au vieux soleil flamand.
Mais pour mieux attendrir ton bronze aux tendres charmes,
Peut-être il suffirait - quelque soir - simplement
Qu'une amante vînt là jeter, négligemment,
Une touffe de fleurs où trembleraient des larmes