Tout, le présent, le passé, le futur, se bouscule à la fin provisoire des temps.
En s’achevant dans notre orgueilleuse conscience d’hommes qui pratiquent, pour l’instant, la vie, les temps ont, tout d’un coup, l’envie de s’entrefondre.
L’homme, l’homme humain, quand il est en train de finir et qu’il se sent partir, ou vivre, il doit, en pleine vitesse épanouie, récapituler. Raccommoder ses souvenirs ? Non, pas ! : Dénombrer ses apanages !
Tirer des plans sur la comète, voir venir et faire venir les fêtes foraines du futur, pour casser, d’avance, des pipes en pierre déjà cassées trente-six mille fois et quelques. On pouvait, hier encore, s’en occuper, s’y complaire, entreprendre, la goutte au nez, une étude du radicalisme en matière de funiculaires, s’attaquer au cuisinement d’une encyclopédie. On se sentait, n’est-ce pas ?, assuré de quelque délai, comme l’on pouvait compter sur une certaine permanence du souffle du cheval.
Des gens rêvaient à leur retraite, et bâtissaient, sur la colline présomptueuse, devant un fleuve d’imperturbable fidélité, leur maison où mourir. Une fois pour toutes, le pain coûtait quatre sous. Les facettes, les retournements et les physionomies de l’aventure criminelle ou seulement littéraire et même bourgeoise et cordiale se déroulaient à la cadence moyenne d’une temporalité probable et certaine.
Mais les doutes et les credos ont dévoré toutes les erreurs.
La science, maintenant, la science elle-même, ressource, pourtant, des mesures constantes, a cessé d’être cette obélisque femelle, cette dénomination dominante.
Le savant qui prétend calculer l’effet d’une force sur une masse, la force, par exemple, qu’en s’accroissant, exercerait l’agate sur le quartz aurifère en train, non loin, de comploter, il voudra, de plus en plus, tenir compte, pour que ses travaux soient solides, des diverses atmosphères mentales du moment, aussi bien que des états de la durée ultérieurs où lesdits travaux viendront à la connaissance des hommes. Notre savant sera donc, utilement, de caractère prophétique, ou, du moins, divinatoire.
L’histoire est immobile, parcourue par des générations séculaires. L’histoire est une géographie, une territorialité marquée de points fixes, (…), où, tour à tour, séjourneraient des êtres, des objets, des incidents repassant, selon des intervalles honnêtement productifs, aux mêmes endroits d’une appartenance corporelle, ou d’une circonstance publique. Notre savant, dans la contrée historique où nous nous trouvons (…), travaillera non seulement pour lui-même et pour ses contemporains, mais, sans difficulté, pour ceux qui sont venus, et pour ceux qui viendront.
La fin, présentée sur des étiages et sur des niveaux, annoncée par une trompette qui rompt le silence du purgatoire, refuse toutes les chronologies martelées par les astronomes, et s’impose « sous la formule d’une échéance collective et concomitante ».
Jacques Audiberti, Des Tonnes de Semence, in Toujours, La Nouvelle Origine [recueil].
Masiuem : VASE COMMUNIQUANT