Cinq ans plus tot
Ce qui aurait pu etre un autre point d'observation de la scene fascinante de cette aube mondriane.
Elle (arrivant par la chute des escaliers, a la cuisine, surprise de l'y trouver) : Trait-fort ! Je ne savais pas que vous étiez la, je ne savais pas que vous veniez ce matin. Si j'avais su...
(triste, dans ses pensées) Et moi qui restais au lit. Mais depuis quand etes-vous arrivé, pourquoi n'avez-vous pas appelé ?
Lui (se tournant doucement, et d'un air faussement détaché, puis beau, infiniment ému) : Je suis arrivé a l'aube. Il n'y avait personne et comme nous sommes samedi, je me suis dit qu'il vallait peut-etre mieux que je vous laisse vous reposer de la veille, comment ca a été ?
Elle : Bien. Oui-bien. Mais on s'est couchés tot, vous auriez du prévenir. Et meme me réveiller. J'en aurais été heureuse.
Lui (visiblement touché) : Je n'allais pas vous faire sauter du lit, pas un samedi matin allons, Mathilde.
Elle (riant d'un air coupable) : qui parle de lit ! Et qui parle d'en sauter ! Allons mais quelle heure est-il ? Neuf heures, mon Dieu ! (puis dans un air precieux : ) Mais vous avez donc foutu quoi jusqu'a cette heure-ci, et d'puis l'aube !
Lui (roulant soudain les épaules comme prenant son envol) :Un éclat de genie m'a frappé Mathilde. Il était trois heures du matin, je n'ai pas pu attendre et puis tout tournait tellement, je suis venu directement le crystaliser, le figer, afin qu'assurément il ne bouge plus. Sans attendre, il le fallait, c'était inévitable ! L'oeuvre ne pouvait pas patienter plus, combien de siecles déja, allez savoir, qu'elle miroite tout ce qu'elle peut sans qu'on la voie ~
Elle (séduite) : Trait-fort ! Qu'allez-vous donc trouver aujourd'hui la force de m'annoncer que sera ma surprise a vous voir a la hauteur d'avoir été capable de commettre qui saurait me faire des ce soir venu vous sauter au cou ?
Lui (tendre, affectueux, paternel, languissant) : Mathilde, si vous désiriez etre surprise, tenez-vous bien (tenez-vous mieux enfin), ce que j'ai fait la va vous épatter !
Elle (sans retenue, déchainée, en sueur) : Qu'est-ce ?, allons-mais-qu'est-ce !!
Lui (tel Dieu annoncant "Une Femme") : Une machine a remonter le vent !
(...)
Elle (dubitative) : Ah. Rien a voir avec une machine a remonter le temps j'imagine, puisque ca existe déja... (cherche encore)
Lui (l'interrompant, gravement) : Rien a voir en effet. Ca sonne pareil, mais c'est impossible, vous l'avez dit, ca existe déja. Mes idées ne se seraient pas arreté a ca, vous imaginez bien.
Elle (voulant etre agréable) : Ca oui j'imagine bien...
Lui : Celle-la, cette machine que ce matin j'ai créée, je vous la laisse imaginer, se compose d'un sceau, une poulie !, une manivelle, un fil de cuivre douze milli, de douze metres de long, et d'une balance. Ah, venez vite voir, vous verrez mieux, c'est merveilleux !
Elle (visiblement ravie) : Mais ...ce n'est qu'une peinture.
Lui (ravi aussi) : Comment "Ce n'est qu'une peinture" ? Au contraire : "C'EST UNE PEINTURE" !
Elle (de plus en plus euphorique) : la peinture d'une machine qui remonte du vent... Ce n'est pas grand chose, du vent. Alors, la machine qui le fait remonter merci...
Lui (encore plus ému) : Ca fait remonter DU VENT !
Elle (l'euphorie meme) : Ca fait remonter la notion de ce qu'est le vent. Meme une peinture peut etre du vent ...
Lui (immensément heureux, la joie incarnée) : Ah-la ! Vous etes médisante ce matin, qu'est-ce qui vous arrive ? Z'avez mal dormi ou quoi, BORDEL !
Elle (passionnée, a ses pieds, le prenant par la main) : Vous vous arrangez pas mon vieux, c'est pathétique en ce moment. Bon allez, je retourne dans mon pieux avec le vieux qui fait tourner le vent, pioncer encore une heure ou deux.
Lui (ne lui lachant pas la main, amoureux, Amour-lui-meme) :Ouais c'est ca ! Revenez quand j'aurais seulement fini, vous me l'envierez ma nacelle a remonter le vent, et vous voudrez meme etre dedans. Mais vous etes déja du vent ! Que-du-vent Mathilde !
(seul, inspiré, s'effondrant au sol, le visage poete vers le ciel, le regard tendre et absorbé comme visitant un mirage et ses poussieres d'illusions) : Que-du-vent-gnagnagna...